samedi 4 août 2007

Motivés ?

Hélas, on ne peut pas quitter un appartement les mains dans les poches. En quelques années, on a toujours le temps d'entasser un nombre incroyable de conneries, de préférence lourdes et encombrantes. Et ces conneries, on ne les laisse pas au propriétaire. On les remballe, et on les bouge ! Hélas, nous n'avons pas tous la chance d'avoir le permis – que dis-je, une voiture.

Il fallait donc se mettre un coup de pied au cul pour rejoindre Choiseul, s'y poser, emballer et embarquer le tout le lendemain matin.

Nous arrivons, avec nos quatre bras musclés, fiers et confiants. Il est 17h. On emballe. Il est 21h. Il fait faim. Hop, un McDo devant Nicolas Hulot.

Après quelques sandwichs, une siestette de vingt minutes, toujours devant Nicolas Hulot. Je pourrais me coucher maintenant. Je dormirais comme un bébé. Mon frère se réveille, me réveille : il a une idée. On pourrait faire un aller-retour Choiseul-Choisy ce soir, histoire d'être avancés ? Il n'y aurait personne dans les transports, il ne ferait pas trop chaud. Excellente idée. C'est décidé, nous partons chargés comme des mules. Il est 22h.

A Pyramides, le diable lâche un pied de la table basse. Les portiques sont une plaies, les escaliers un délice. Les trains sont toujours bien remplis. C'est lourd, c'est fatiguant, mais nous arrivons à bon port. Le temps de déposer tout, et on repart pour Paris, les valises et le diable vides. Il est 23h.

Mon frère a une autre idée. Peut-être pourrions-nous tenter un deuxième aller-retour, car « déménager, c'est vraiment mieux la nuit ». Ragaillardie par notre premier voyage nocturne, je tombe d'accord avec ce bon sens fraternel. Il a l'air motivé, suivons le !

Premier accroc : nous poireautons une demie-heure à la gare. Il est 00h. Nous arrivons enfin à Choiseul, à nouveau. Nous avons une demie-heure pour remplir les valises et choper le dernier métro.

Il est 1h. Nous n'avons pas pu fermer cette putain de valise, trop pleine. Elle est ficelée, tous les bagages sont blindés et ficelés. Nous avons l'air de gitans sur le départ. Il n'y a plus de métro. Nous savons qu'un Noctilien qui part de Gare de Lyon va jusqu'à Choisy. Il faut donc aller à Gare de Lyon par nos propres moyens, c'est à dire à pieds. Il pleut des cordes. Le trajet prendrait une demie-heure. Nous attendons que le ciel s'éclaircisse.

Il est 2h, la lune apparaît enfin. Elle est ronde et lumineuse, idéale pour une ballade nocturne. Nous partons, parfaitement conscients de notre folie, vu la difficulté de l'épreuve qui nous attend.

La grosse valise fait 30kg. Les deux autres, plus petites, font chacune 15kg. Nous sommes deux. Le calcul est rapide : c'est lourd, c'est long. Boulevard Haussman, Bonne Nouvelle, Poissonnière, Place de République, boulevard du Temple, Filles du Calvaire, Sébastien Froissard, Place de la Bastille, rue de Lyon, avenue Daumesnil, rue de Lyon, Gare de Lyon. Le trajet n'a pas duré une demie heure. Il a duré deux heures. Il est 4h10.

Le dernier Noctilien était à 4h. La grosse valise n'a plus de roues, nous la tirons depuis 2km. Nos mains sont ruinées, nos bras gonflés, notre gosier sec, nos yeux humides, nos yeux rouges, nos yeux petits. La fatigue, l'effort, les limites. Nous avons fait une longue marche avec des boulets de 30kg aux pieds.

Il faut attendre, maintenant, la ligne 14 reprend à 5h30. Il ne faut pas s'endormir, comme ces gens-là qui dorment par terre, qui jonchent les grands boulevards et toutes les gares. La Gare ouvre. Il est 5h30.

Nous sommes jeudi matin, elle est vide, seulement quelques ouvriers qui s'affairent autour d'une bouteille géante Heineken. Nous devons attendre. Mes pieds aussi, sont ruinés. Un distributeur de boisson fraîche, il faut trouver un distributeur de boisson fraîche. Nous perdons 2€ dans l'un d'entre eux, apparemment cassé. Quelques distributeurs plus tard, nous avons nos bouteilles, nous avons nos sièges, nous avons les trains en face de nous, paysage intermédiaire parfait.

Nous sommes dans une gare, mais il est tôt et il n'y a personne, alors on peut bien en griller une. On en grille deux. Un vieil homme crasseux nous taxe et fait de nous ses « seigneurs ». Bien matinaux, les seigneurs. Une nénette tout aussi crasseuse nous lance un « bonne journée » en souriant. Il n'y a bien que les miséreux qui soient aimables, dans cette ville lumière. Nous repartons par le premier métro et le premier RER. Il est 6h.

Arrivés à Choisy, toujours avec nos trente kilos de valises, il se met à pleuvoir. De plus en plus fort. Il est tôt, nous sommes fatigués, et la pluie nous refroidit moral et os. C'est la dernière ligne droite, la plus difficile. Il est 6h30.

La maison a un goût de paradis, cette baraque qu'on a mis quatre heure à rejoindre. On pose, on jette nos boulets. On file l'un après l'autre sous une douche paradisiaque. L'eau chaude détend les muscles tendus, brûle les mains tuméfiées, rassemble le corps en pièce, réveille. Des muffins, des oeufs brouillés, voilà l'un des plus savoureux petits déjeuners de ma vie - so far. Il nous reste un aller-retour à faire, et l'appartement sera vide.

Il est 12h30. Nous avons récupéré un compagnon de route en route. Nous sommes trois, il fait jour, les rues s'agitent. Choiseul n'a plus de stores, Mr Blonde a disparu des murs, le bureau noir est vide. Choiseul est blanc et poussiéreux, comme je ne l'avais jamais vu. En quinze heures, nous aurons vidé le lieux mythique, la bulle de 19m² qui aura vu mes 19, mes 20 et mes 21 ans.

« C'est le vie ».


Tout ça, pour ça.


4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je confirme que le petit dejeuner muffins et oeufs brouilles est bien bon, je m'en fait une certaine cure ici ! Cet article me sert un peu le coeur aussi parce que choiseul va me manquer aussi evidemmemt, et toi aussi ma poule...j'espere qu'on arrivera a se voir de temps en temps a la fac !

Delenda Lavingtaine a dit…

J'espère qu'on se verra plus que "de temps en temps" ma belle.

Enjoy the grosse pomme !

Anonyme a dit…

Rattrapant un retard que je n'aurais pas du prendre je note, que tu aurais peut etre préféré un quai glissant d'ou tu glisserais pour eparpiller tes tripes, plutot que cette nuit inoubliablement dure. Quoi qu'il en soit, cela me fait beaucoup rire, je vous vois a merveille dans les rues de Paris comme deux boulets qui tirent leurs trois boulets. J'aurais adoré etre de la partie tu connais mon gout pour les rues parisiennes de nuit et puis un boulet de plus pour le troisieme boulet a tirer n'aurait pas ete de trop. En tout cas je suis pleinement atristé que ce lieu clairement mythique de choiseul t'echappe et nous echappe par la même occasion. Il etait cool, je m'y sentais bien, tres fengshui... Je suis heureux de participer à la fin de ce demanagement a l'aide d'un allez retour bagnole qui te sera utile... J'ai un demanagement aussi a faire cette semaine, ames sensibles se retenir, mais un coup de mains pour des maitres experiementés est le bienvenu. Pas de choses lourdes, et pas de transport en commun, ca s'est garanti. Je t'embrasse et t'aime

Delenda Lavingtaine a dit…

@ Charles: Il aura fait moche tout l'été, la seule vraie bonne occupation était donc de déménager de nuit !
N'est pas un guerrier qui veut ^^