jeudi 19 octobre 2006

TRA 2962

Un grand merci à Emmanuelle Anizon. Elle m'a non seulement réveillée d'une terrible torpeur matinale, mais elle m'a aussi appris des choses importantes. Une journée et des pensées qui s'annonçaient nuageuses finissent par s'éclairer, ô miracle.

Potron-minet, j'ai couru sur le quai et suis rentrée in extremis dans le métro. Avant 8h, il est toujours vide. Je me suis affalée sur un siège, avec l'élégance d'un éléphant, ou d'un camionneur bourré. Ces derniers jours, pour éviter de rater ma station Censier-Daubenton (plongée dans un profond sommeil, bercée par les remous du wagon), je sors un journal – soit le Télérama, soit le Canard Enchaîné, papelard satyrique désopilant qui me vaut nombre de rires étouffés. Je suis donc tombée sur cet article de Manu. Très bonnes pages sur la déchéance de l'Université, avec un grand U, française. La Sorbonne ne serait plus ce qu'elle était. (Ou peut-être n'a-t-elle jamais vraiment justifié de ce rayonnement que l'on verrait jusqu'à Pékin...) Mais pourquoi, me direz-vous, pourquoi un tel sujet m'a réveillée ? Brusquement, j'étais presque fébrile et mes yeux grand ouverts suivaient mécaniquement le chemin des lignes. La conduite du texte était fort bien menée et frapperait n'importe qui, je crois.


Tout cela pour dire que les ruines de la Sorbonne sont aussi celles de mes illusions. J'en avais certes beaucoup (délit de jeunesse). En emménageant à Paris, il y a deux ans, j'avais des étoiles plein les yeux. Enfin ! Je me trouvais au coeur du monde (si, si), j'allais vivre dans cette belle ville lumière qui fait tant parler d'elle. Je rencontrerais des têtes nouvelles chaque jour, je verrais des choses totalement inédites que seules permettent les vraies métropoles. A chaque pas, un monument, une rue célèbre, du rococo ou que sais-je. J'y trouverais l'ouverture d'esprit, Le grand esprit, les cafés d'intellos, des cinémas dont un hublot fait office d'écran, et flânerais au gré des marches de Montmartre.


Caresser tous ces projets était une perte de temps. Paris ne réserve pas un accueil digne de sa beauté. Car Paris, c'est avant tout les parisiens. Jamais je n'avais croisé autant de visages immobiles, de regards dérobés. L'air est pollué et les airs sont vides. Cette ville est une jungle dont, comme dirait l'autre, la civilisation est le vernis. Un vernis de chez Tati, qui craquelle sans cesse et de toute part. Les seules bricoles, que j'oserais à peine appeler 'inédites', furent un incendie ; la chute d'un ouvrier du septième étage, et donc son corps mort et jaune ; ou un type battu et laissé à terre par des pingouins en colère. A ce prix là, je préfère ne plus "sortir le dimanche". Du reste, il n'y a pas moins touriste qu'un citadin, et c'est bien normal. Je ne visite absolument pas Paris. Toujours à faire le même chemin, toujours à courir dans les mêmes directions, sans trouver le temps de flâner, ni permettre au vent de me promener à son gré.

Le parisien est une foule. Il se déplace en grand nombre, comme une ombre (j'ose), déambule comme un fantôme. S'il lâche ses peines sur le trottoir, dans le filtre d'un mégot ou un crachat pollué, il ne lâche que rarement de l'argent dans la main noire des mendiants. Le parisien cède à Paris son habit le plus sordide, gardant portefeuille et bonne humeur bien au chaud, pour les dîners ou les mondanités. C'est un portrait bien sale, dont les traits sont grossis, mais Paris est une ville sale et peu fine. C'est ma plus grande désillusion, si l'on omet celle de l'homme bon.

La Sorbonne représente à merveille cette Capitale 'déchue' qu'est mon Paname. Je suis déçue. Si l'on faisait un sondage dans mon coeur râleur, il serait alarmant. Une chute infernale de points, chaque jour. Voilà donc un résultat : 90% contre, 10% pour.
L'Université reflèterait aussi parfaitement la Frânce, tiens. Un dédale de dossiers, une administration monstrueuse (dans les deux sens du terme), une organisation plutôt désastreuse, une prétention incroyable et enfin, chose qui définit bien notre pays : une Bureaucratie, avec un grand B.

Ces illusions sur ma vie d'étudiante étaient chères et sincères. Je ne parle pas des autres, ce serait un poème de dégoût. Je les vends au plus offrant, un gamin dont les mirettes brillent beaucoup trop, peut-être. Et l'oseille, je le garderai, à côté de ma bonne humeur.

Comment appeler tout cela ? L'ineffable désillusion provinciale (la banlieue entrerait dans le même cercle, c’est à dire, tout ce qui est hors du microcosme panamien), par exemple. Le désenchantement du petit oiseau sur la branche ; de la nana trop naïve, ou un peu trop con.

jeudi 12 octobre 2006

Résiste

Le début de semaine était serein. Mais, en deux minutes, tout s'écroulait.
Le temps de causer avec mon professeur de civilisation.

Professeur qui mérite une ample digression dont je ne saurais me priver. Hélas, il est de ces individus qui enseignent des matières laborieuses, voire fastidieuses. En civilisation britannique, par exemple, nous passons au crible la Constitution anglaise (un véritable bordel à elle toute seule), les évolutions des partis politiques les plus connus, et lisons des articles interminables du non moins célèbre Economist. Pour ce genre de cours, il faut – je dirais même plus que c'est une Nécessité – avoir un professeur charismatique, qui sache faire de l'audience son amie. Hélas, notre bon enseignant est jeune, élégant, beau, certainement gay, mais absolument soporifique. Assis durant deux heures, il n'épouse jamais un regard. Il déblatère son texte avec un accent digne d'une vache slovaque. Aucun humour dans ce cours ; humour qui, comme chacun sait, serait une arme terriblement efficace pour éveiller son auditoire. On me parlera de timidité, de réserve ou de pudeur. Peu me chaut. Soyons cartésien une minute. Seul le résultat importe, et c'est un fiasco.

J'affronte donc ce tendre bonhomme, afin de remettre les pendules à l'heure, au sens propre du terme. J'apprends justement qu'un exposé m'attend le lendemain. Un sourire quelque peu figé fait façade, et je quitte la salle. Arrivée chez moi, je me jette sur l'article. Six ou sept heures plus tard, après moult mix cafés-clopes, je boucle l'exposé. Au lit. Le lendemain sera, comme tous les mercredi, une course folle.
Au réveil, ma première pensée ressemble à une injure, suivie d'un "tu ne croyais pas si bien dire..." Je ne suis pas fatiguée, mais ma gorge me fait souffrir. Je teste ma voix. Heureusement, elle me sera fidèle pour l'exposé. Mais à ce moment, je sais pertinemment qu'un virus m'a attrapée. "Les choses vont empirer". Pour le moment, il faut tenir au moins une journée.

Le mal de gorge s'estompe à mesure que les heures filent. A vrai dire, peut-être empire-t-il, mais le stress lui vole la vedette. Il fait froid, je suis comme d'habitude trop peu couverte. Pourtant j'ai chaud. Les mains tremblent, les longs doigts dansent. J'avale un gâteau au chocolat pour me remettre d'appoint, et un énième café qui je le sais, n'apaisera pas les coups qui m'agitent le coeur. Assise à patienter, je suis plutôt étonnée par cette angoisse nouvelle. Je m'inquiète. Ces jambes chancelantes seront-elles capables de me porter ? La crainte de m'évanouir. C'en est trop. Je n'ai pas l'habitude d'une telle tension dans mes chairs. Il faut que le temps accélère. Il faut en finir.

Je suis prête à vendre mon âme moqueuse au diable. Je sous-estimais le fléau de l'exposé. A tout ceux que j'ai raillé parce qu'ils ne dormaient plus trois semaines avant leur passage à l'oral, je présente de plates excuses.

Jeudi soir. Je suis en week-end. Tous ces sursauts sont derrière moi. Il ne me reste qu'à regarder la vidéo de Grey, dont j'ai raté les ultimes épisodes, malheureusement. Maintenant, qui sait, la folie virale se chargera peut-être de mes derniers jours.

mardi 10 octobre 2006

En quelque short

Il va falloir faire des adieux déchirants à mon dernier coup de foudre télévisuel. Je me suis amourachée de ces internes torturés de Seattle. Avouons que la peine n'est quand même pas énorme. A y réfléchir, il y a pire. La série reviendra d'ici quelques mois, le temps que je sois installée dans un nouvel appartement londonien, canadien, new-yorkais ou que sais-je. Je me demande combien de personnes se réjouiront de mon départ loin des terres fertiles de Paris. J'en connais au moins une.
Noël arrive et j'ai déjà un tas d'idées, éparpillées savamment dans les oreilles de mes amours, afin qu'ils prennent de l'avance dans leurs recherches effrénées. Quant à leurs cadeaux, je prépare l'aspect essentiel de ma mission : les finances. L'inspiration se déposera sur mon oreiller, une n
uit prochaine. Je pense que cette année, nous aurons droit aux guirlandes colorées, et peut-être même au gui. Les Réveillons sont presque pliés. Les minutes passeront doucement, comme on tourne la page d'un Pléiade. Cette comparaison est délirante, voire impardonnable. Le Nouvel An sera bref, c'est tout ce que je sais. Le lendemain, c'est officiel, nous nous envolerons pour la grande Amérique. Un décollage le premier jour de l'année m'apparaît comme le plus beau cadeau du monde. Je suis férue d'adrénaline.
J'ai fait attention aux détails, aujourd'hui. Chaque bribes de conversation volées dans un wagon, chaque regard croisé ou dérobé, chaque politesse. Juste qu'à hier, j'estimais qu'une journée à la faculté n'était pas intéressante. Finalement si. En exagérant, j'irais jusqu'à penser que c'est palpitant. Le meilleur morceau de ce lundi fut certainement ce chanteur dans le métro. Je lisais tant bien que mal un bouquin de Stevenson. Puis cette voix terriblement belle m'a percé les tympans. Il avait sa guitare et son timbre magnifique. Il a récupéré très peu de pièces de cuivre, mais beaucoup d'argent. Il les avait amplement méritées.

Enfin, après des jours couverts par une pluie fine de désespoir, je retrouve le sourire. Mes cigarettes sont meilleures. Le week-end fut bon, bien que trop court. Je ne suis pas tombée malade, malgré la férocité des microbes alentours. J'ai fait un ménage mémorable, j'ai dilapidé une fortune. Une amie lointaine m'avait donné ces remèdes. Ca fonctionne donc à merveille.
Je vais boire un verre de lait frais. C'est comme Capri. "On aime ou on n'aime pas. Moi, j'adore."

mardi 3 octobre 2006

Monde qui défile sous les regards

A chaque saison ses petits mots. Peut-être qu'un jour, lointain, lorsque j'aurai essuyé les années et que mon visage sera une carte du monde, je ne m'émerveillerai plus devant les changements climatiques. Pour l'instant, je ne suis que jeunesse et naïveté, et mes sens sont avides de petites banalités. Je renifle à tout va. L'été a un parfum particulier, mais je préfère l'odeur fraîche de l'automne. Celle du début de soirée, quand la nuit voile la ville. Ca circule dans tous les sens, toujours la même frénésie dans les pas citadins, comme si rien ne changeait jamais. Je les regarde, je les aime, je les déteste, ils me font rire.
Eté comme hiver, je verrai encore cette jeune femme rentrer en trombe dans le métro, s'avachir sur un siège, cracher sa journée pourrie dans un long soupir, puis se ruer sur ses talons aiguilles. Elle les enlèvera le plus vite possible car la douleur est infernale. Elle sortira d'élégants écrase-merdes sûrement très moelleux, et les enfilera tout aussi vite. Un autre soupir de soulagement lui crèvera la trachée. Elle sortira à la station suivante, rougie par le plus grand ennemi d'une citadine : le temps.
Devant une telle scène cet été, nous étions assez attendris, admiratifs, et très amusés. Maintenant, j'aurais envie de dire à cette dame que c'est la mi-saison, comme une heure en plus pour une journée trop courte. Et il faudrait bannire les talons-aiguilles. Il ne faut plus soupirer, mais renifler et respirer, madame.

dimanche 1 octobre 2006

Last Mc Sunday

Je leur dis adieu, à tous ces dimanches de labeur. Tous ces dimanches où il fallait se réveiller, se préparer, repasser sa chemise, creuser sa route dans les rues solitaires. J'arrivais dans un restaurant souvent vide. Nous n'étions jamais plus de dix équipiers pour assurer cette journée sans vie. Puis quelques touristes se pointaient. La plupart anglais ou américains. Il fallait violer la langue de Shakespeare et disserter sur les vertus gustatives d'un Big Mac. Ou il y avait ces familles, immenses, qui dépensaient une fortune pour nourrir chaque bambin. Tout cela, c'est terminé. Parce que le dimanche ne ressemble à aucun autre jour, c'était une joie de le plaquer, sans douceur, vite et bien.