jeudi 31 mai 2007

Sur le départ


Le 9 février 1986, la comète de Halley fend le ciel. Je suis née sous une bonne comète. Rien de grave ne peut m'arriver. Je retombe toujours sur mes pattes, toujours.

Je sais que les semaines à venir vont être plus difficiles que les précédentes. J'avais retrouvé mon petit nuage, le vrai, sur lequel rien n'est très important. Maintenant, je me prépare à redescendre, parce que je sais qu'on ne reste jamais bien longtemps sur un nuage. C'était quand même un voyage heureux - insouciant, donc heureux. Je promets de ne pas être mélancolique et de ne rien regretter. Les choses changent.
Mon bail se termine en septembre. Je n'avais pas imaginé ma rupture avec Igor aussi douce et mutuelle. Ma vue sur le Crédit Lyonnais et mes clopes en pleine nuit, je pensais ne jamais pouvoir les quitter, ou dans le désespoir le plus profond. Mais maintenant, je me vois autre part, toujours avec quelques cigarettes, c'est sûr, mais à une autre fenêtre. Evidemment, il me manquera. Il s'en est passé des choses, dans ce minuscule appartement. J'aurais dû prendre un millier de photos et jouer avec Windows Movie Maker, et faire un film déchirant, sur une musique déchirante, qui m'aurait arraché des larmes déchirantes. Mais les trois ans sont passés, et je n'ai que quelques clichés. C'est comme ça. Ma mémoire gardera l'essentiel.

Quant à Ronald, je le quitte aussi. Je dis adieu à toutes ces jolies merdes, dans lesquelles je me suis encrassée ses trois dernières années. 18-21 ans, toute une époque...

lundi 28 mai 2007

Quart d'heure américain


Pour certains, le quart d'heure américain signifie vaguement un laps de temps pendant lequel ce sont les filles qui invitent à danser. Cette définition là ne me plaît pas. Elle est sexiste, ringarde, niaise, restrictive, et sous-entend que les demoiselles doivent attendre bêtement tout le reste du temps. C'est une règle de fonblard. Le vrai quart d'heure américain, c'est certes toujours un laps de temps, mais pendant lequel plus rien ne tient en place. Il ou elle court partout, saute, et surtout chante, ou plutôt crie. C'est un court instant de bonheur qui chasse tous les petits tracas, un pétage de câble dans les règles de l'art. A l'origine, ce sont les chats qui font leur quart d'heure américain, une fois par jour. Ils cherchent l'embrouille et la papouille, et occasionnellement se roulent sur le sol. On connaît donc le quoi et le comment, mais on ne comprend toujours pas le pourquoi du comment. Le choix du moment d'un quart d'heure américain reste mystérieux. J'en traversais un à l'instant, et je ne saurais dire ce qui m'a poussée à piallier comme ça, si ce n'est cette grosse averse et ce temps chaotique, fort bien réputés pour échauffer tous les animaux des zoos et autres. Puis ça retombe. La chute n'est pas gentille ou tranquille. Ca cesse net, sans prévenir. Sans crier gare, les petits nuages couvrent le beau temps, et l'esprit reprend sa forme cartésienne et bigrement freudienne.

vendredi 25 mai 2007

Bon appétit !


Malgré le champagne, le rosé, le Martini, les vodkas, difficile de ne pas se souvenir de certaines choses. Certains morceaux de bravoure, certaines phrases sorties des bas-fonds de mon esprit embué. Et quand bien même, il y aura toujours une ou deux oreilles qui auront entendu et se seront souvenues de ces passages corsés. Difficile aussi de ne pas me remémorer cet instant délicieux, autant pour les yeux que pour les papilles. J'ai découvert une nouvelle activité dont je ne soupçonnais pas les bienfaits. Un magret de canard au miel, un verre de vin, et un apollon qui a l'heureuse idée d'avoir endossé le costume tant apprécié du pompier, et qui entreprend un strip-tease excellemment maîtrisé, et qui montre avec ferveur le galbe de ses muscles, agrémentés de chantilly par-ci par-là. Bref, la soirée commençait sous les meilleurs auspices et n'augurait que du bon.
Une addition aussi vertigineuse que la chute de rein du jeune homme, un pourboire jaune, puis nous quittons les lieux, assouvis mais encore avides d'autres bienfaits, et toujours en forme, boostés par les petites bulles du bonheur. Nous prenons le métro avec bien plus d'enthousiasme que d'ordinaire, en quête d'un de nos pieds à terre, en quête d'un 'before' qui nous donnera toujours plus de baume au coeur pour la suite des événements. Encore bien difficile de rentrer à cinq dans l'ascenseur choiseulien, tout trémoussant et pifrés que nous sommes. Le défi est relevé, et comme au bon vieux temps, nous nous trouvons au sixième étage, qui devient le sixième ciel, le temps d'une énième gorgée sirupeuse. Mais redevenons sérieux une minute, le temps joue contre nous.
Trop tard, les métro ne circulent plus, ils dorment et s'en remettent aux guibolles folles des noctambules fous. Sans plus attendre, nous tricotons des gambettes à travers l'avenue de l'Opéra, les arcades (vides !) de Rivoli. Devant certaines enseignes, je ne réponds plus de rien. On salue WHSmith. L'alcool anglicise. La Tour Eiffel est plongée dans le noir, et l'un de nous la compare à Peter Parker dans ses plus mauvais jours. J'ai entendu bien des remarques sur cette Tour, jamais des plus subtiles pour la belle Paris, mais celle-là... redonne à Peter ses lettres de noblesses. Nous marchons, nous courons, nous sautillons, bref, de véritables coq en pattes. Les Champs, vides ou presque. L'Arc de Triomphe est à l'autre bout, notre balade folle n'est pas terminée. Donne-moi ta main, allume-moi une clope, et je rivaliserai d'arrogance avec cet Arc. L'heure tourne, et l'alcool, toujours l'alcool, fausse peut-être notre légendaire sens de l'orientation.
Enfin arrivés à bon port... ce fut long mais bon. 'Vous êtes tous majeurs, bien sûr ? – Oui, Chef !' Il faut être grand pour s'entasser dans une cave et suer en coeur. Quelques chemises rayées, quelques belles gueules, quelques sales gueules, bonsoir Paris ! C'est open bar, ne fais donc pas ta difficile. Une goutte, deux gouttes, trois gouttes de ce qui me semble être un très bon champagne glisse le long de mon échine. Bordel ! Qui ose ?! Une belle gueule, ma foi. On me retient de ne pas boire dans son verre maudit. Bon sang, où ai-je la tête ? Les amis du monde entier sont là pour éloigner les verres trop pleins. Une pause s'impose. Un verre d'eau bénite s'impose. Vodka pomme. J'espère discrètement que certaines notes et une voix stridente retentiront dans la salle. Et le voilà, mon cher, mon tendre, voilà Mika, voilà le saint patron du vrai son, de la vraie vie dans un dessin animé ! Paroxysme de la soirée, sommet, pic de délice. Il est tard, il est tôt. Moment de la nuit entre deux rives, où les chats rencontrent les chiens. C'est le moment idéal pour remonter à la surface du monde.
Il n'y a encore et toujours que l'alcool qui tienne en éveil nos corps, qui les balance et qui soulève quelques sourires. Et nos pas sont portés par le souffle légendaire qui ramène chez eux des êtres anéantis et béats, juste avant que l'aube et ses premières lueurs n'agressent leurs petits yeux rouges.
Finalement et donc, aucun trou noir, que du lumineux.
Bon anniversaire, ma Lulu.


'Mes amis, pour mon mariage improbable, et de facto mon enterrement de vie de jeune fille, n'hésitez pas, pourvu qu'il soit brun !'

jeudi 24 mai 2007

Relecture


C'est fou. J'arrivais la fleur au fusil à Rivoli. Un habituel champs de bataille transformé en terre courtoise et clémente, baignée de soleil, de temps et d'espoir. La soirée s'annonçait presque libre, du moins, j'avais l'opportunité d'en faire quelque chose. Quelques heures de travail n'entameraient certainement pas cette Lune heureuse sous laquelle je m'étais posée.

Erreur. Un premier regard, aussi furtif soit-il, me dit que rien ne sera aussi simple, aussi prévisible. Les heures filent, et je suis toujours en tenue d'équipière. J'ai des choses à me reprocher, j'accepte de rester, pour me faire pardonner. Je compte trop sur le coeur du business, même si je sais qu'il en est dépourvu. J'encaisse la faiblesse du temps, ses longueurs et ses lourdeurs, mais à mesure qu'il passe, je vois aussi s'endormir les promesses de la soirée. J'oublie vite ce regard glacial, ce bonhomme qui agresse avec ses yeux. J'essaie de voir les choses du bon côté : la reconnaissance et l'argent qu'apporteront ces heures supplémentaires. Même un peu, je suis preneuse.

Il est maintenant 3h du matin. Je n'ai plus personne à qui parler. Pourtant, je tiens encore une bonne forme. Un coup de fil résoudrait l'affaire, mais j'ai toujours détesté le téléphone. Je me dis qu'avec un air de jazz, ce serait presque une nuit new-yorkaise. Quand les rues sont noires et vides, on peut se croire dans n'importe quelle ville, après tout.

Mes seuls interlocuteurs sont des dossiers informatiques. Et quels interlocuteurs... Face au désarroi de la solitude, je me laisse distraire. Et c'est fou. C'est fou comme avec le temps, les questions les plus opaques trouvent des réponses évidentes. Elles étaient là, juste sous mes yeux. Il n'y avait qu'à lire pour comprendre. Et avec le temps, chaque année devient une foutue maquette miniature. Et j'en viens à la conclusion suivante : je suis un genre d'hypermétrope. Il me faut du recul. Absolument.

lundi 21 mai 2007

...Mais bon


Nous sommes au mois de mai. Enormément de gens sont nés au mois de mai. A croire que l'amour se déploie souvent au mois d'août. C'est un peu normal, car au mois d'août, contrairement au mois de mai, il n'y a pas grand chose à faire. Au mois de mai, il faut se rappeler chaque matin si ce n'est pas l'heureux anniversaire d'une connaissance, ou pire, de sa belle-mère. Il faut ensuite faire preuve d'imagination pour trouver ce qui va bien pouvoir contenter ce gémeau, quel petit présent bien pensé le rendra tout guilleret, quel cadeau offrira en retour un gros bisous de gratitude, voire plus. Une fois l'idée trouvée, il faut trouver l'objet ou mettre en place le concept. C'est la partie la plus physique du mois de mai. Il faut courir les magasins ou passer les commandes, et surveiller les délais. Le retard n'est pas autorisé au mois de mai, parce que le lendemain, ce sera l'anniversaire de quelqu'un d'autre. Il faudra à nouveau creuser dans sa mémoire, à nouveau faire fleurir son imagination. En mai, je ne fais pas ce qui me plaît, je cherche ce qui pourrait plaire.

J'aurais quand même trouvé le temps de faire quelques conneries, de m'enfiler la saison 1 de Dexter, de me heurter à la dure réalité de l'indifférence, et même aujourd'hui, de faire une playlist de derrière les fagots.

Celle-ci a sa place ici, au chaud, par les temps qui courent...

dimanche 20 mai 2007

Knock knock


J'avais aussi dans mes dossiers l'introduction du Roi et l'Oiseau, illustre film qui berça nos journées enfantines trop pluvieuses. Nous lui devons beaucoup, y compris l'apprentissage de certaines émotions jusque là inconnues au bataillon. L'angoisse, le frisson des belles chansons et des beaux mots, la découverte -bien qu'inconsciente- de Jacques Prévert. Puis avec le temps et la grossière croissance de nos êtres, nous laissâmes s'envoler autant nos enfances que cet oiseau locace. Et on l'oublia, ou plutôt, on le rangea dans un tiroir de la mémoire, que seul un cafard nostalgique peut décoincer. Il y a quelques temps et du haut de nos vingt et quelques années, nous avons retrouvé ce tiroir, qui à vrai dire, ressemblait plus à une armoire. Puis nous avons pioché dans ce bazar, comme dans une caverne aux merveilles pleine de paires de chaussettes. Parmi elles, il y avait le chapeau melon et le veston que portait cet oiseau, et avec ses grandes ailes et son grand bec, il me racontait à nouveau l'histoire de la charmante bergère et du petit ramoneur de rien du tout, de rien du tout ! Plusieurs années sont passées, et pourtant, quand il me parle, cet oiseau, j'ouvre à nouveau mes oreilles de gamine, et je suis rassurée.

Pour les cyniques

The man who said "I'd rather be lucky than good" saw deeply into life. People are afraid to face how great a part of life is dependent on luck. It's scary to think so much is out of one's control. There are moments in a match when the ball hits the top of the net, and for a split second, it can either go forward or fall back. With a little luck, it goes forward, and you win. Or maybe it doesn't, and you lose.

dimanche 13 mai 2007

Pour les barbus

Dans la nuit du 13 au 14 septembre 1964, le monde vivait en paix. Mais qui, au cours de cette nuit, appuya le premier sur la gachette ? Qui recassa le vase de Soisson ? Bref, qui donna le premier coup de pied au cul ?

L'histoire est en marches

22 avril : le jour du premier tour est enfin arrivé. Un dimanche à la campagne, tout le monde aux urinoirs. Je vote dans un village où tout le monde connaît tout le monde, je reconnais des visages. Eux ne me reconnaissent pas ou ne reconnaissent pas me reconnaître. Je déchire méticuleusement le bulletin de Nicolas. L'envie me vient de le jeter par terre et de le piétiner, mais je sais bien que ce genre d'effusion rageuse n'est pas autorisée dans un bureau de vote. Personne ne dit bonjour. La politique évince toute forme de politesse.
23 avril : massacre. Journée de défaite, chaude, bouillante, difficile, peut-
être la pire de l'année (à espérer). Entre les deux tours, le temps est long.
5 mai : soirée d'anniversaire pour notre Lulu nationale, et premier pied dans le monde adulte en attendant les 22 ans. Les verres se vident. Je teste avec succès un Martini blanc coupé au rosé. Délicieux... On revoit des visages, on les reconnaît, ils nous reconnaissent. Je revois les yeux verts et le sourire à tomber par terre. Pas assez beurrée, je reste sur mes deux pattes. Et je soupire sur le pavé, je soupire.
6 mai : après une nuit bien trop courte, je crois que j'ai la gueule de bois. Il est donc temps d'aller voter ! Toujours les mêmes visages. Je glisse le bulletin de Nicolas dans ma poche.
Je plie soigneusement celui de Ségolène vers l'intérieur, et le glisse dans l'enveloppe bleue. Une enveloppe bleue pour un vote rose, c'est con.
7 mai : dur...
Du 7 au 12 mai : il faut se consoler. Se consoler pour oublier le bleu de la France. Des macarons Ladurée (citron, framboise), des milk-shakes (fraise, vanille), des films, d'autres films, Mika.
12 mai : joyeux anniversaire, équipière ! Deux ans de bons et loyaux services, soit environ 1770 heures de travail et 22 000 clients servis en moins de 5 minutes.
Faut-il fêter tous les anniversaires ?

16 mai : non, ce ne sera pas le jour de la passation de pouvoir à l'Elysée. Ce sera l'ouverture du 60è Festival de Cannes, tout rond. Tarantino est en compétition officielle, et comme toujours, en tant qu'in
conditionnelle aveugle et sans même avoir vu le film (6 juin dans les salles), je soutiens mordicus qu'il méritera monts et merveilles dorés.
A moins qu'une énième déception se cache dans un coin de juin.

J'ai le coeur aiguisé...