dimanche 30 juillet 2006

Questions de temps


J’aurais rarement lancé autant d’au-revoir en une journée. Je dois en avoir au moins dix à mon actif. Tout le monde quitte les lieux, comme prévu. Ma foi, je ne me doutais pas que je pouvais être si touchée par le départ d’un collègue de travail. J’avais instauré une loi, il y a quelques temps. Celle de n’entretenir que des liens ponctuels et amicaux avec les équipier(e)s. Après le départ du meilleur d’entre eux et à mon humble avis la perspective de ne jamais le revoir, j’avais établi cette règle. Tant pis donc pour l’ambitieuse, si mon coeur et mon humeur se froissent un peu. Le temps est frais et humide, comme pour marquer le tournant de l’été. Après l’autoroute de juillet, je me retrouve seule, sur une petite ruelle isolée. Le virage est radical, il faut que je m’y habitue, maintenant. Encore quelques quarante heures à trimer, puis je pourrai à mon tour délaisser mes tendres compagnons de route.
Qu’avais-je fait l’été dernier, à vrai dire, je ne m’en souviens plus. Seulement, je n’étais pas si loin de tous, et le mois d’août s’était vêtu de réjouissances diverses bien qu’infimes. Cette période estivale reste toutefois faste, et je ne me plaindrai pas de retrouver une stabilité égarée. Je redeviens sédentaire, à passer mes nuits dans le même lit. En espérant ne pas trop tourner en rond, en attendant la livraison de mon cactus et des affiches, je réfléchirai au sujet de cette nouvelle qu’il me faudrait écrire. J’ai jusqu’à mes 21 ans pour trifouiller dans les méandres de mon imagination, mais je dispose en ce moment du temps nécessaire pour perdre mes pensées dans des histoires complètement loufoques. Le thème de ce pseudo concours est la Bête. Face à ce constat, j’ai tout de suite pensé combien vivre à Paris rendait la tache aisée. Il me suffit de regarder par la fenêtre, ce pauvre type à terre, tabassé à la régulière par deux pingouins suiffeux, ou que sais-je.
Comme perdues dans ces temps de liesse, j’ai parfois jeté quelques pierres dans la gueule de personnes justes, peut-être. Mais enfin, comment déceler le rat du chat ? J’aimerais avoir ce pouvoir. Celui de savoir quel chemin emprunter lorsque deux routes sinueuses mais tentantes se proposent à soi, tant et si bien que l’on voudrait se découper le corps pour goûter aux différentes ciguës. Un exemple parmi tant d’autres, qui d’ailleurs ne me concerne pas mais me chatouille l’esprit : entre un voyage en volontariat international durant plusieurs mois et le concours de l’ENA, que choisir ? Tout cela reste trivial, mais il me paraît difficile de reconnaître ses petits dans la meute. Tout de suite, il y a cette chanson d’un film de Truffaut. Le tourbillon de la vie. Je suis ivre parce que ça tourne, ennuyée parce que c’est souvent pareil, malade que ça ne s’arrête jamais.
Quelques inconditionnels suivent encore le Lapin Blanc. J’ai trouvé un délicieux commentaire, hier soir. Il peut toujours y avoir un lecteur anonyme et lointain, qui flattera vos lignes et votre ego. Nous parlions de cela, plus tôt. Le clan familial s’était regroupé dans la soirée. Trois mômes autour de leur mère, qu’ils chérissent et raillent dans une démesure naturelle. Assis sur un banc du Cour Saint-Emilion, nous évoquions les péchés cultivés par la famille. Il est apparu que l’envie était le petit dernier. L’orgueil, bien évidemment, fut le vainqueur. Un gêne se balade, de génération en génération. Alors, lorsqu’il s’agit de nourrir mon ego, s’en est jamais trop. Elle nous a raconté cette fameuse soirée de septembre, a répété combien notre père était élégant à l’époque, combien elle était amoureuse du Libanais. Je fumais ses cigarettes, je buvais ses petites histoires d’avant. Un rien mélancolique et bucolique sur le retour, forcément. Parce qu’on ne se refait pas.
Parce qu’on ne se refait pas, je vais manger un morceau de ce ciel gris et frais. J’avais oublié le vent qui, dans de timides rafales, fouette le visage et fatigue les yeux. Je n’avais que le goût du café et des croissants de l’Edelweiss, petit bistrot indémodable de la capitale.
J’attends quelque chose, en essayant de ne pas terminer mon paquet trop tôt.

mardi 25 juillet 2006

Mont par Lyon

Je me souviens du ciel de janvier, blindé de nuages cotonneux qui erraient comme des pages solitaires. Les éléments sont devenus de redoutables adversaires.
Au coeur de l'été, les nuits sont forcément bonnes, bien que chaudes. Il manque quelques petites choses pour parfaire le tableau, telles que mes regrettés miauleurs nocturnes. Ces cris berçaient mes songes. Aujourd'hui, le bruit des ventilateurs les a remplacés. Et je dois bien avouer que leur chant est moins noble. Je me lève régulièrement à l'aube, devançant le soleil dans sa course folle. Plus tard, rideaux clos, je rejoins à nouveau mes plumes alors que les heures incandescentes défilent joyeusement.

Prête à fuir ce cagnard ambiant poings dans les poches, j'ai déjà les billes en l'air, pour apercevoir l'éclat des neiges éternelles. Peut-être auront-elles fondu, peut-être les découvrirai-je dans le lit d'une rivière. Le vent soufflera dans la vallée. Peut-être sera-t-il comme une poussière suffocante qui envahit les bronches et laisse crever la gueule ouverte. Néanmoins, je veux retrouver mes gares, mes villes.

A partir de lundi, je passe en tête à tête avec la capitale. Son béton, ses bâtiments et son cafouillage seront pour moi seule. Cela risque de m'amuser quelques jours, puis me lasser, selon les jours. Toutes mes amours se cassent loin de la puanteur urbaine, et moi, l'âme en peine et le coeur facile, je reste encore quelques temps. Mais bientôt, bientôt ce sera l'heure de rejoindre chacun dans ses aventures.
Tant bien que mal, je me nourris de films et de climatisation. Le dernier en date était au cinéma de Bercy, mon préféré. Comme appâtée par le moindre soupçon de fraîcheur, j'ai pris une place pour The Devil's Reject, horreur totale et estivale, juste ce qu'il fallait. C'est l'histoire d'une famille de psychopathes, dans l'Alabama. Sans rentrer dans plus de détails croustillants, mes tripes se sont retournées deux ou trois fois, autour du dépeçage de ce pauvre monsieur ou la crucifixion de cet autre malheureux. J'ai aussi eu quelques frissons, divins créateurs du soulèvement des poils et d'une sensation de fraîcheur.

...Heureuse qui comme Ulysse, chante et brûle en tout temps. Qui comme Ulysse entend et attend les promesses des sirènes, patiemment.

vendredi 21 juillet 2006

"Je hais les malheureux"

"Il me semble que l’humanité se divise en deux parties inégales. Ceux que l’éclat physique, l’assurance en eux-mêmes et le rayonnement personnel rendent invulnérables, et l’immense majorité des autres, qui se définit par le manque, la frustration, l’observation secrète et impuissante de ce qu’ils n’atteindront jamais. Toute ma vie, j'ai vécu en recherchant la compagnie d’êtres solaires derrière lesquels me cacher. Mais l’erreur serait de croire qu’il est possible d’échapper à son sort, comme si à exister dans l’orbite d’un être éclatant, on finissait par gagner soi-même un peu de cette lumière qui nous manque. On les admire, ces êtres forts, on les recherche, on les aime autant qu’on craint les autres et la contamination du malheur. Plus jamais je ne veux rencontrer les hommes, les femmes qui ont habité l’univers de mon enfance, tous bons, timides, fragiles, et trop sensibles aux maux de ce monde. Plus jamais. Je hais les malheureux."

jeudi 20 juillet 2006

Pour qui pleure en chantant

Vraiment, je regrette d’avoir chanté les louanges de la canicule il y a quelques temps. Après une nuit blanche, la fatigue se lit sur mes pauvres yeux. Cette nuit sur Paris fut l’une des pires. Il a plu comme vache qui pisse. L’orage a grondé violemment durant plusieurs heures dans un ciel électrique. Pourtant, la chaleur a persisté, rendant l’atmosphère presque irrespirable. J’avais peur du tonnerre. Le bruit des ventilateurs faisait valdinguer ma tête. J’attendais avec la plus grande impatience que le petit matin apporte sa brise. Pourvu que ce cagnard ne dure pas.

Malgré ma forme ramollie, j’ai tout de même rejoins Chessy. Nous avions prévu de passer la journée à Disneyland, je n’allais donc pas me laisser abattre par une torpeur passagère. Ce 20 juillet fut long et bon.
Des tasses (où nous excellons en terme de vitesse vomitive) au nouveau parcours de Space Mountain ("plus long, plus rapide"), en passant par une évacuation au sommet d’une montagne russe pour cause d’incident technique, nous avons profité autant que possible du Parc. Une fois encore, un bon 40° au soleil nous accompagnait sans relâche. J’ai évidemment pris quelques couleurs, sans gravité. Puis il a plu, encore. Nous avons bu cette eau le bec en l’air, comme un nectar inespéré.
Ce soir, je suis sur les rotules. Mes mains se souviennent encore avec quelle ardeur je les ai sollicitées pour tourner la tasse bleue. J’ai les yeux qui picotent, et des larmes de fatigue coulent parfois. Enfin, nous aurons constaté combien les petites anglaises sont allumées. Un peu plus encore, et j’aurais mis mon poing dans le minois de celle-ci. Elle devait avoir 13 ans, je me suis donc sagement retenue.
Longue et bonne journée, donc. Je déplore seulement que notre "reconstruction de ligue" n’ai pas eu lieu. J’ai maudi quelques secondes les boulots en intérim, puis ai pensé que d’autres occasions se présenteraient. Tu es toute pardonnée, ma biche.

En rentrant par la ligne A, j’étais à côté de deux vieilles dames. Elles surveillaient attentivement deux gamins d’une douzaine d’année. Elles papotaient. J’ai roupillé durant les deux tiers du voyage, mais le reste du temps, leur conversation s’offrait à mes oreilles. "Eh oui, c’est ça, la vie parisienne", ont-elle conclu. J’ai adhéré au propos par un modeste rictus. Il me tarde de quitter la ville, car les conditions estivales y sont lourdes. Même si une ballade "dans le Quartier Latin shake aux lèvres autour de 23h" a son charme. D’ici quelques semaines, je verrai feu les montagnes maudites, puis les vagues de l’Atlantique. Je pourrai retrouver Paris le coeur frais comme un gardon.

mercredi 19 juillet 2006

Après la pluie


La chaleur est étouffante, le soleil de plomb, l'eau ne veut plus être froide, les douches sont longues et les chocolats fondent. Il semblerait que le monde entier soit plongé dans la canicule. Seul le Liban a d'autres chats à fouetter, hélas. Moi qui voulais me rendre au pays natal, je crois qu'il faudra patienter un peu.

Malgré les vents chauds et persistants, ils tournent ! Deux mois durant, j'ai été bercée par l'angoisse et l'appréhension. Mais ça y'est. Je valide mon année avec mention, et suis inscrite pour septembre. En avant pour de nouvelles aventures autour du Quartier Latin...
J'ai toutefois lu un millier de pages, et passer un rattrapage pour rien. Cette chère secrétaire s'est confondue en excuses. Au bout du fil, je suis restée clémente et enthousiamée par l'heureux dénouement de ces péripéties administratives. En raccrochant, j'avais quand même la gorge sèche. Si tout avait fonctionné comme sur des roulettes, j'aurais été en vacances depuis le 22 mai. C'est donc deux mois plus tard que mon âme se calme et s'emballe au moindre son d'Orson. Après une terrible chute, je retombe sur mes pattes et les fait danser glorieusement.
Les auspices étaient bons, ces derniers jours. Même Ronald récompense mon travail par une prime rondelette. Je ne pensais pas qu'il était si notable de vendre de la bouffe. A la bonne heure !

Demain encore, nous allons faire une "reconstruction de ligue". En droit, je me souviens que c'est illégal. Pour notre part, ce sera seulement un régal. Les Profiteroles vont à nouveau se réunir, et profiter gaiement de la pluie, des orages ou du beau temps. Nous allons nous mettre la tête à l'envers, histoire d'inverser les mauvaises pensées. Comme pour une cuite digne de ce nom, le parc Disneyland est un excellent moyen d'évacuer ses tripes. En rentrant, on se sent généralement vide et propre. Il n'y aura qu'à remplir à nouveau nos esprits avec l'été à venir.

J'attends mes affiches. Déjà, le bureau est à Choiseul. Un aller sur Bussy hier aura suffit à faire ressurgir des ombres. J'ai trouvé une ville encore et toujours morte, comme abattue par la chaleur. Le lac rectangulaire, la gare aseptisée et les ruelles parallèles m'ont volés un sourire. Seule dans mon ancienne chambre, j'ai relu des lettres. J'en ai emmenée quelques-unes, trop belles pour giser dans un tiroir. C'était un étrange retour aux sources enfantines. Il ne manquait plus qu'un camion Pomona.
Maintenant, emportée par l'impatience et n'ayant que faire du sol brûlant, je me briserais le dos à monter ce bureau noir. Quel malheur. J'attendrai des renforts musclés et bricoleurs.

Enfin, parmi tant d'autres songes, celui d'un Nouvel An au bord du Pacifique l'emporte largement !


For not all tears are an evil.

samedi 15 juillet 2006

Paris - Los Angeles


Il m'aura fallu quarante bonnes minutes pour lire les derniers articles en provenance de la Californie. Il n'aura fallu que quelques secondes pour me rendre compte que l'existence de feu mon Lillois s'annonce plus palpitante que les nôtres... La semaine dernière, j'ai couru partout, certes. Comme toujours durant les grandes vacances et toute traîtresses qu'elles sont, j'avais prévu un milliard de choses à faire. Dans le lot, il y avait évidemment tout et n'importe quoi, du plus petit coup de fil aux heures de travail acharné. Le boulot a pris une partie importante de mon temps le plus précieux que sont les soirées. En nettoyant la salle et la merde de ces chers clients, je tentais de contrôler mes pensées. Il fallait oublier certaines réflexions telles que "être payé une misère pour mettre ses mains dans la poubelle", ou "je vais tous les tuer à coups de débouche-chiotte". Fort heureusement, j'avais un moral d'acier, prêt à fuir dans n'importe quel fantasme pour échapper à cette porcherie humaine. Mise à part l'ambiance et mes collègues, je ne vois pas pourquoi je reste. ...Peut-être pour l'ambiance et les collègues, qui sont une denrée rare sur la Capitale. Voilà, je me suis défoulée un peu, ça va tout de suite mieux.
Puis, concernant les fantasmes et imaginaires en délire, j'ai de quoi faire.

A lire les dernières réjouissances d'Arthur, avant-premières, studios Fox et Beverly Hills inclus, je trouve les miennes bien moins exotiques... Toutefois, j'ai décidé de métamorphoser autant que faire se peut le petit et néanmoins charmant Choiseul. Adieu aux affiches colorées de Kill Bill, Gladiator et Bob Marley splif au bec. Tout cela restera dans mes souvenirs et mon coeur d'adolescente délurée. Bonjour à Casablanca, aux cadres, à Armstrong et Reservoir Dogs. Un changement de bureau rendra l'appartement plus spacieux (autant que faire se peut toujours), plus sobre et oserais-je ajouter "épuré". L'ajout de plantes par des mains expertes sera la touche écologique et naturelle de ce 6è étage au coeur de la ville la plus polluée du monde.
D'autres réjouissances me viennent à l'esprit. Gardons le meilleur pour la suite. Il va me falloir rivaliser d'inventivité pendant 9 mois.
Aïe aïe aïe...

jeudi 13 juillet 2006

Ca déménage


Après avoir imprimé mes 220 articles passés, et obtenu une liasse de 150 pages, j'ai fait mes adieux au Lapin Blanc. J'ai minutieusement trié et rangé les feuilles dans une chemise orange. A quoi servira ce dossier, je l'ignore. Seulement, reposant sagement dans un coin du bureau, mon regard pourra tomber dessus, un jour d'ennui ou une nuit sans sommeil.
Je me demande si ma Muse n'est pas partie. Plus précisément, à 10 000km d'ici. Depuis le départ de mon cher Plume, plus rien ne vient vraiment se poser sur l'écran ou sur du papier. Ils s'effacent, redeviennent blancs. Si c'est le cas, je n'écrirai que des conneries – et mal – jusqu'en avril 2007. Devant ce constat affligeant, j'offre à qui en a le courage de devenir une Muse. Il suffit d'être éloquent, de savoir chanter, danser ou jouer un instrument, d'exceller dans l'art du lyrisme exacerbé et de proposer régulièrement un nectar d'inspiration céleste. Mais attention, je pourrais changer n'importe quel intrus en pie. C'est un choix personnel que seul les Apollons pourraient comprendre.

Autre chose me tracasse. J'aimerais trouver le script de Faubourg Saint-Denis, dans Paris Je t'aime. J'ai torturé Google durant des jours pour le trouver, sans succès. Ce court-métrage est de loin mon préféré parmi les 21 proposés. Le texte en voix-off est sublime. Je ne vois pas comment l'obtenir. C'est une impasse terrible qui me plonge dans un profond désarroi. Certes, j'ai songé à voir le film une dizaine de fois, pour noter chaque phrase au fur et à mesure. Ce serait un dernier recours.

Enfin, je tiens à saluer le monde du Football. Même si nous avons perdu la Coupe du Monde, je reste positive face aux enseignements reçus durant cette finale. Grâce à Zidane, nous avons appris une technique imparable pour faire bouffer la pelouse à un adversaire. Et grâce à Materazzi, nous avons compris que tous les italiens ne sont pas des poètes. Merci.

J'offre une sérieuse récompense à qui me trouvera le script.