dimanche 18 novembre 2007

J'ai faim !


S'il y a une chose que ma famille m'aura transmise, c'est l'art de manger, l'amour de la bouffe. On se tient bien, on ne met pas les coudes sur la table, on ne mastique pas la bouche ouverte, on ne mange pas tant que tout le monde n'est pas servi et surtout, surtout, on termine son assiette. Si bien que maintenant, voir un semblant de miettes partir à la poubelle me perce le coeur.

Nous n'avions pas de religion particulière, si ce n'est celle de la bouffe.

Mon père est un grand gourmet, qui cultive les péchés mignons e
t savoure chaque bouchée à sa noble valeur. Ma mère, bien que menue, m'a toujours impressionnée par la quantité qu'elle peut ingérer, notamment de pâtes. Ils sont tous deux, quoiqu'ils en disent, de grands cuisiniers. Et venant tous deux de pays différents, nous avons avec mes frères souvent eu droit aux spécialités desdits pays.


Mais la plus renomée de la famille, celle qui cultivait l'art de la cuisine comme une reine, c'était ma grand-mère. Je me souviens avec émotion de ses desserts, mais aus
si de ses plats, ses fromages et ses biscuits apéritifs. Elle se pliait en quatre pour que sa table soit généreuse, de vrais banquets.
Je me souviens de sa raie aux câpres, accompagnée de pomm
es de terre vapeur, avec une lichette de beurre et quelques herbes. Cette sauce au beurre citroné, aussi, reste le point d'orgue de ma trépidante vie gustative.



Il y avait la cervelle d'agneau, aussi. Une fois passé le stade d
'un dégoût primaire, ce plat se donne aux papilles comme une offrande sur l'autel du dieu de la bouffe.
Il y avait les steak hâchés, aussi, avec un jaune d'oeuf dedans, qui explose dans la bouche. La tarte aux pommes, aux abricots, la mousse au chocolat, la crème caramel, la reine de saba... Elle a tout fait, elle nous a tout offert. Sauf les crêpes.
Du côté de mon père, on ne fait plus de crêpes depuis la
mort de mon arrière grand-mère. Elle les faisait paraît-il si bien, qu'aucun n'a osé prendre le relais. Une vraie religion. C'est bien dommage, car je n'ai jamais goûté ces fameuses crêpes.

Je cultive comme mon père un certain goût pour les péchés mignons, ces petites gâterie
s qui ne coûtent rien, si petites mais si bonnes. Mais, outre les macarons et les pancakes, j'ai moi-même un amour démesuré pour la bouffe. Je me damnerais pour le Risotto de ma mère, pour ce gros riz envahit de parmesan et cette poule à la chair tendre et goûtée. Je me tuerais pour un dernier Pastel del Choclo, ce plat qui vaut tous les trésors Incas. Il me rappelle l'enfance chilienne de mon père, sa nourrice. Ce maïs, ces raisins, ces oeufs, cette viande, l'apothéose, le summum du hachis parmentier.



Un plat idéal doit avoir son vin pour dire toutes ses saveurs. Un Osso Bucco accompagné d'un Valpolicella, un demi-homard et son Sancerre blanc, un gigot d'agneau et son Saint-Emilion ; ce sont des couples, des amoureux qui rendent le monde heureux.


La bouffe, c'est une philosophie, c'est de la chimie, de l'alchimie, de la finesse, du doigté, de la patience et du goût. C'est un amas de vertus qui devrait absoudre le péché de gourmandise qui suit. Avoir goûté de la pastèque, c'est savoir ce mangent les anges. Pour Dieu, des aiguillettes de canard épicées aux cèpes.

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