jeudi 5 avril 2007

Les risques du métier

Je marche comme une furie dans l'avenue, comme d'habitude, à la recherche d'un HSBC pour ruiner encore un peu plus mon compte en banque. Il fait beau, et le peuple marche comme moi, à toute blinde, comme d'habitude. Mais je n'imaginais pas qu'une partie du peuple, et pas la plus vilaine, déambule en roller sur les trottoirs, sans penser qu'elle risque de bousculer un passant au coin de la rue. Jusqu'au moment où ce jeune homme est arrivé et m'a presque roulé dessus. Quelqu'un qui marche vite a de nombreuses chances de rencontrer quelqu'un qui roule vite, et que tout le monde se fasse mal. Mais il s'est excusé deux ou trois fois, avec les mains devant sa bouche qui signifiaient mieux que tout son embarras. Comme dirait l'autre, il n'était pas parfait, mais il était charmant.
Période de deuil et de doute. Période de crue lacrymale, qui creusa le sillon de mes rides futures. Mais jeunesse passera, et quand je serai ratatinée, vieille et heureuse, mes rides seront tracées. Peut-être que je ne pleurerai plus autant. J'espère que je rirai autant, et que l'un sans l'autre fonctionne. Qui sait.
Peut-être que les fouinards ne s'arrêteront plus pour me demander si je suis germanique, catholique, juive, arabe, comédienne ou anglaise. Car en 21 ans, j'ai eu droit à toutes ces curieuses interrogations, toutes aussi farfelues les unes que les autres, auxquelles j'ai répondu en un simple et sec mot. Etrange pourtant : dans ce lot de supputations vaseuses, personne n'a jamais subodoré l'italienne, la libanaise, la jumelle ou celle qui a la haine. Le fouinard aurait alors fait mouche.
Peut-être que mes rêves se seront assagis. Je me souviendrai de cette vie onirique passée, de ces réveils en plein milieu de la nuit, de ces secondes interminables qu'il faut pour retrouver un semblant de réalité, me rendre compte que je ne suis pas morte, que je n'ai pas une balle dans le ventre, et que cet homme qui tourne les pages d'un journal dans la pénombre n'est que le fruit de mon imagination. On me conseille de noter mes rêves, mais si je les décris dans le détail, c'est comme s'ils se dérobaient. De toute façon, plus ils sont fous, plus ils restent chauds dans ma mémoire. Je me souviens encore de la rougeole du Professeur Tournesol et du squelette géant qui se bat contre Moby Dick. C'est dire.
Ou alors, ce sera pire, et je verrai tout cela de mes propres yeux, car à défaut d'être jeune et conne, je serai devenue vieille et folle. J'aurai abandonné depuis longtemps mon regard franc et triste, et le voile de la névrose envolera mes pensées vers un autre monde. Tout compte fait, j'attendrai patiemment les pages fripées de cette époque.
Je devrais bosser, au lieu de dire des bêtises.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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