
Période de deuil et de doute. Période de crue lacrymale, qui creusa le sillon de mes rides futures. Mais jeunesse passera, et quand je serai ratatinée, vieille et heureuse, mes rides seront tracées. Peut-être que je ne pleurerai plus autant. J'espère que je rirai autant, et que l'un sans l'autre fonctionne. Qui sait.
Peut-être que les fouinards ne s'arrêteront plus pour me demander si je suis germanique, catholique, juive, arabe, comédienne ou anglaise. Car en 21 ans, j'ai eu droit à toutes ces curieuses interrogations, toutes aussi farfelues les unes que les autres, auxquelles j'ai répondu en un simple et sec mot. Etrange pourtant : dans ce lot de supputations vaseuses, personne n'a jamais subodoré l'italienne, la libanaise, la jumelle ou celle qui a la haine. Le fouinard aurait alors fait mouche.
Peut-être que mes rêves se seront assagis. Je me souviendrai de cette vie onirique passée, de ces réveils en plein milieu de la nuit, de ces secondes interminables qu'il faut pour retrouver un semblant de réalité, me rendre compte que je ne suis pas morte, que je n'ai pas une balle dans le ventre, et que cet homme qui tourne les pages d'un journal dans la pénombre n'est que le fruit de mon imagination. On me conseille de noter mes rêves, mais si je les décris dans le détail, c'est comme s'ils se dérobaient. De toute façon, plus ils sont fous, plus ils restent chauds dans ma mémoire. Je me souviens encore de la rougeole du Professeur Tournesol et du squelette géant qui se bat contre Moby Dick. C'est dire.
Ou alors, ce sera pire, et je verrai tout cela de mes propres yeux, car à défaut d'être jeune et conne, je serai devenue vieille et folle. J'aurai abandonné depuis longtemps mon regard franc et triste, et le voile de la névrose envolera mes pensées vers un autre monde. Tout compte fait, j'attendrai patiemment les pages fripées de cette époque.
Je devrais bosser, au lieu de dire des bêtises.
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